Les films de David Fincher

Films de David Fincher : l’obsession du mal !

Les films de David Fincher font partie de ceux qui ont le plus influencé ma cinéphilie. Depuis Alien 3 en passant par Fight Club et Seven, ce réalisateur a accompagné l’adolescent que j’étais dans ses frayeurs, ses questionnements sur notre société et sur la noirceur de l’âme humaine… Mais pas de panique, il ne sera pas sujet ici d’un trip antisocial/émo, mais d’une analyse, si possible constructive, de l’œuvre d’un réalisateur qui me fascine et qui continue de m’intriguer à chaque visionnage. Vous êtes prêts ? C’est parti !

Un réalisateur radical !

S’il y a bien un adjectif qui colle à la peau de David Fincher, c’est bien celui de radical. Et pour comprendre pourquoi, il convient de revenir aux origines de sa carrière cinématographique. David Fincher commence sa carrière en tant qu’assistant aux effets spéciaux sur le tournage de Star Wars Episode VI : Le Retour du Jedi. À l’époque, David Fincher est fasciné par le processus créatif cinématographique. Voir les effets spéciaux pratiques s’imbriquer dans le récit et donner des séquences proprement épiques à l’écran, un plaisir pour ce jeune prodige en devenir.

David Fincher commence sa carrière en tant qu’assistant aux effets spéciaux sur le tournage de Star Wars Episode VI : Return of the Jedi

Entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, David Fincher va faire ses armes en tant que réalisateur de clip : Madonna, Prince, Aerosmith, Fincher travaille pour toutes les plus grandes stars pop-rock de l’époque. Une période de travail intense qui fait circuler son nom à Hollywood, jusqu’au studio de la 20th Century Fox. Studio qui, à l’époque, cherchait un jeune réalisateur pour prendre en main la suite d’une de ses franchises les plus rentables : Alien3.

Le réalisateur, fan du travail de Ridley Scott et de James Cameron saute sur l’occasion et prend un avion pour les studios de Pinewood où le tournage s’apprête à commencer. Mais arrivé là-bas, le réalisateur commence à déchanter. Le film a déjà une date de sortie, les studios mettent une pression monstre sur le jeune réalisateur, âgé alors d’à peine 29 ans, mais aucun scénario fini n’est disponible.

Dans cette situation, impossible de manager une équipe de cinéastes techniciens expérimentés qui savent, eux, que travailler dans de telles conditions est impossible. Ajoutez à cela Sigourney Weaver qui se mêle plus que de raison dans la production du film et vous avez là de longues nuits blanches pour un réalisateur à peine sorti de l’agence de publicité…

David Fincher sur le tournage de Alien 3

Au final, Alien3 fait partie des 2 seuls films de David Fincher reniés par le réalisateur avec The Game. Le point commun entre ses deux œuvres : la perte de contrôle d’un cinéaste qui n’a pas eu son mot à dire sur la direction artistique du film. Deux films qui vont faire de David Fincher l’un des réalisateurs les plus radicaux de sa génération.

Le mal et l’obsession du contrôle !

Cette radicalité, on la retrouve dans 3 de ses films suivants : Seven, Fight Club et Panic Room. On pourrait appeler ces films « les films sale gosse » du cinéaste. En effet, c’est dans ces trois films que David Fincher va travailler deux de ses thèmes favoris : le mal et l’obsession du contrôle. Ces fascinations, on les retrouve autant dans les personnages des films de David Fincher, que chez David Fincher lui-même.

Ainsi, le personnage de Morgan Freeman, dans Seven, est rongé par le mal, mais obsédé par la quête du tueur en série John Doe. Ce même John Doe, qui est obsédé par l’exécution de son plan, au point de se laisser tuer, laissant ainsi le mal prendre le contrôle du personnage de Brad Pitt. Ces obsessions, on les retrouve dans chacun des films de David Fincher… Et dans la réalisation de David Fincher lui-même, qui, s’il ne présentait qu’une réalisation plutôt académique dans ces trois premiers films, montre avec Fight Club, toute l’étendue de son talent.

Brad Pitt dans Seven

Ainsi, dès les premiers plans de Fight Club, la caméra glisse d’une cellule de mucus nasal au canon d’un revolver en un seul plan… immédiatement culte ! Une réalisation osée et gentiment tape-à-l’œil que l’on retrouve également dans Panic Room avec ce fameux plan où la caméra traverse une pièce de part en part, passant d’une serrure de porte à une autre poignée de porte, en passant par l’anse d’une machine à café. Absolument génial !

Les films de la maturité !

Pour utiliser une expression ultra galvaudée, je dirai que les films de David Fincher ont gagné en maturité et en finesse à partir du chef-d’œuvre qu’est Zodiac. Zodiac, c’est le film où Fincher a taillé sa légende de réalisateur tyrannique et obsessionnel. Obligeant les acteurs à réciter leur texte à la virgule prêt, contraignant les décorateurs à planter des arbres et des mauvaises herbes sur une plage sous prétexte que la reconstitution historique y gagnerait en qualité ; Zodiac c’est le film où David Fincher a fini d’être l’enfant jouant aux effets spéciaux avec son ordinateur. C’est le film où il a mis sa maîtrise des effets spéciaux au service de sa narration. Essayez d’analyser les plans de Zodiac et osez venir me dire que les effets numériques sont visibles. Zodiac, c’est un chef-d’œuvre de maîtrise qui ne laisse présager que du bon pour la suite de sa filmographie.

Et la suite va encore être un tournant dans la carrière du réalisateur qui va s’essayer à un tout nouveau genre, bien éloigné des thrillers auxquels il nous avait habitués : la fable avec The Curious Case of Benjamin Button. Dans ce film, nous suivons la vie de Benjamin Button, un enfant né vieux et qui va rajeunir tout au long de son existence. Une existence faite de rencontre, d’amour et d’anecdote drôle et touchante. On est bien loin du sociopathe Tyler Durden, n’est-ce pas ? Vous l’aurez compris, le tour de force de ce film, c’est bien de montrer à l’écran un Brad Pitt vieilli à l’extrême, puis rajeuni, sans que cela ne soit visible. Les effets spéciaux, 10 ans après la sortie du film, n’ont pas pris une ride et c’est d’ailleurs sur cet aspect que les studios ont vendu le film et qu’il a récolté 3 Oscars ! Son seul souci à mes yeux étant d’être sorti 14 ans après Forrest Gump qui, à peu de chose près, raconte cette même histoire d’un personnage candide mêlé à des choses qui le dépasse…

The Social Network de David Fincher

Vient en 2010 le film qui m’a rendu absolument amoureux du cinéma de Fincher : The Social Network. Sur un pitch qui peut paraître inintéressant, à savoir la naissance de Facebook, Fincher, avec l’aide du scénariste Aaron Sorkin, monte un film efficace de bout en bout. Et pourtant si on y réfléchit, le film a tout pour nous perdre : des flash-back à répétition, des personnages à la pelle, des dialogues au cordeau débité à la mitraillette par un Jessie Eisenberg totalement habité par le personnage, mais aussi une bande originale magistrale composée par Trent Reznor et Atticus Ross du groupe Nine Inch Nails. Je pourrais user de tellement de superlatifs pour parler de The Social Network que je préfère m’arrêter là. Notons juste que l’esthétique du film est mémorable, on peut d’ailleurs saluer le travail du directeur de la photographie Jeff Cronenweth. Un travail monstre qui le suivra tous ses films suivants.

Avant dernier film de cette rétrospective, The Girl with the Dragon Tattoo, est une adaptation du livre Millenium : Les Hommes qui n’aimait pas les femmes. Très clairement un film de commande, car qui d’autres que Fincher pouvait réaliser ce film. Un tueur en série, une scène de godemichet ? Appelez David Fincher. Et quelle bonne idée d’ailleurs ! Le réalisateur fait une fois de plus la part belle aux plans carte postale, il reconstruit certaines scènes à l’identique de celle du roman, tout en réservant une fin alternative à celle du roman pour surprendre le spectateur. Un travail d’orfèvre pour une adaptation sans suite… Mais en a-t-elle vraiment besoin ?

The Girl with the Dragon Tattoo de David Fincher

Enfin, son dernier film à ce jour, Gone Girl, est une autre adaptation de polar à succès. Cette fois-ci, David Fincher s’attaque à l’histoire d’un homme que tout accuse du meurtre de sa femme. Au fil de l’histoire, on se rend compte que sa vie de couple était loin d’être aussi idyllique que ce que lui et ses beaux-parents déclarent à la police et au média, mais que derrière des apparences angéliques, sa femme, tyrannique, lui faisait vivre un véritable calvaire. Une vision de la vie de couple et de l’idéal américain « à la vie, à la mort ». Parmi tous les films de David Fincher, c’est sûrement le plus satirique. Fincher y dépeint la vie d’une famille de banlieusards américains, des médias putassiers à l’affût, de la moindre tournure de phrase et d’une femme fatale, au sens propre comme au figuré. Le souci du détail est allé jusqu’à casté Ben Affleck et Rosamund Pike, deux acteurs aux physiques remarquables : grand et fort pour lui, frêle et froide pour elle…

Alors qu’il vient de fêter ses 25 ans de carrière au cinéma, David Fincher n’a de cesse de surprendre. Aujourd’hui très actif sur le terrain des séries Netflix, notamment avec House of Cards et Mindhunter, j’attends avec impatience son prochain fait d’arme cinématographique. En espérant que ce génie de la réalisation, obsédé par le contrôle, et le mal sous toute ses formes, me surprenne moi et tous ceux qui oseront replonger dans ses univers glauques et pourtant si séduisant !

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